Israël, maintenant ?
Après deux années marquées par un climat économique morose, des signaux positifs commencent à se faire sentir. Reprise régionale, nouvelles coopérations, réformes fiscales et retrait de boycott… Israël entre dans une phase de redéfinition. Entretien avec Marc Douieb, expert-comptable franco-israélien au sein du cabinet Marc Douieb & Co qui nous parle de l’économie israélienne et des réformes fiscales.
Ces deux dernières années ont été difficiles pour l’économie israélienne. Quel regard portez-vous sur la situation actuelle ?
Effectivement, la lecture de ces deux longues années de guerre était plutôt inquiétante. Mais en tant que système très réactif, Israël a su rapidement s’adapter et éviter la catastrophe. Nous avons cependant dû affronter certaines difficultés et un ralentissement dans l’économie israélienne.
Aujourd’hui, le marché montre des signes de reprise, notamment dans le secteur de la construction. Nous observons également une très forte activité dans le domaine des industries militaires et technologiques, ainsi que tous les secteurs en général.
De plus, de nouveaux échanges régionaux se profilent, avec le retour potentiel de pays comme la Turquie ou l’Indonésie, qui pourraient redevenir des acteurs économiques majeurs pour Israël.
La Turquie, par exemple, fournit une grande partie des matières premières utilisées dans le bâtiment — fer, ciment, béton entre autres. Si les relations commerciales reprennent pleinement, cela pourrait entraîner une forte baisse des prix de revient et redynamiser le secteur de la construction.
Est-ce aussi lié à la politique régionale, notamment aux Accords d’Abraham ?
Oui, absolument. Les Accords d’Abraham avaient amorcé une ouverture importante, mais la dynamique s’était ralentie. Aujourd’hui, plusieurs pays importants d’Asie et du monde musulman montrent un intérêt renouvelé. L’Arabie saoudite, par exemple, observe la situation de près. Elle attend probablement des conditions favorables liées au problème palestinien pour franchir un cap. De manière générale, la fin progressive de certains boycotts redonnera un peu – et peut-être même plus – d’oxygène à l’économie israélienne.
Aujourd’hui, plusieurs pays importants d’Asie et du monde musulman montrent un intérêt renouvelé
En dehors d'une meilleure économie israélienne, vous évoquez aussi des réformes fiscales importantes. De quoi s’agit-il ?
Le système fiscal israélien est très dynamique et subit de nombreuses modifications d’années en années.
Tout d’abord, à partir du 01/01/2026, les nouveaux résidents en Israël ne bénéficieront plus de l’exemption de déclarer leurs actifs et revenus de l’étranger. Une alya avant cette date pourrait donc en intéresser certains.
Ensuite, il est désormais possible de faire sortir des actifs immobiliers détenus dans des sociétés vers les actionnaires en nom propre, avec des facilités.
Enfin, ces dernières années, plusieurs mesures ont profondément modifié la manière dont les entrepreneurs structurent leurs revenus. Traditionnellement, les bénéfices des sociétés étaient imposés à 23 %, tandis que les revenus des individus en nom propre pouvaient atteindre 50 %. Cette différence incitait de nombreux indépendants à créer une société pour réduire leur charge fiscale.
Mais l’administration fiscale a revu les règles, en particulier concernant les bénéfices dormants, ou non distribués. Il s’agit là de près de 700 milliards de shekels de bénéfices accumulés dans les entreprises sans être distribués, bénéficiant d’une charge de 23% au lieu de 50 %.
Désormais, la distribution de dividendes est encadrée par des conditions strictes, et le taux global d’imposition pourra atteindre environ 50 %, soit le même niveau qu’un revenu personnel. En pratique, les bénéfices de la société et ceux de l’individu seront considérés de manière similaire, réduisant l’avantage fiscal des sociétés.
En résumé, êtes-vous optimiste pour la suite ?
Prudemment optimiste, oui. Israël a traversé deux années complexes, mais les signaux de reprise sont réels : retour des partenaires régionaux entre autres, rééquilibrage des prix…
Le pays entre dans une phase plus saine. Nous avons surmonté la tempête. Nous pouvons enfin envisager l’avenir avec plus de confiance.
Les bénéfices de la société et ceux de l’individu seront considérés de manière similaire, réduisant l’avantage fiscal des sociétés