Préparer l’avenir : le testament ne fait pas tout

testament Israël

Avocate au barreau de Tel Aviv spécialisée en droit immobilier, droit des successions, droit des affaires et diplômée d’un Master 2 de droit des affaires en France, Me Eden Allouche a, après son alyah, fait ses premières armes au sein de grands cabinets et startups avant de fonder son propre cabinet. Depuis plusieurs années, elle accompagne une clientèle francophone d’investisseurs, de familles en démarche d’Alya, de dirigeants d’entreprises… Dans cet entretien, elle explique pourquoi anticiper sa transmission patrimoniale – bien au-delà de la simple succession – est incontournable.

Quand on parle de "transmission patrimoniale", de quoi parle-t-on vraiment ?

Quand on parle de “transmission patrimoniale”, on évoque un sujet bien plus vaste que la simple succession. Il ne s’agit pas uniquement de transmettre des biens matériels, mais d’organiser l’avenir. La continuité d’une entreprise, la gouvernance d’un patrimoine, la protection du conjoint ou d’un enfant ayant des besoins particuliers par exemple, et même la manière dont une famille souhaite préserver ses valeurs et ses choix.

Beaucoup pensent qu’un testament suffit. En réalité, une transmission efficace repose sur une réflexion globale : juridique, financière, familiale, émotionnelle, qui constitue avant tout une démarche de prévention.

Il s’agit d’établir un cadre clair, presque un guide pour l’avenir, permettant d’éviter les conflits, les blocages et les pertes financières et de faciliter la vie des générations futures en organisant les choses tant que tout va bien.

Pourquoi est-ce si important d’anticiper plutôt que d’attendre ?

La plupart des familles pensent ne pas être concernés par une transmission patrimoniale. Jusqu’au jour où une situation bloquante surgit : un bien impossible à vendre; une entreprise sans direction, des héritiers en désaccord, trop de taxes à payer….

Je pense par exemple à une cliente dont le père dirigeait une grande société internationale. À son décès brutal, une question essentielle s’est posée : comment reprendre les affaires ? Rien n’avait été anticipé, plongeant la famille dans une situation complexe. Il a fallu revoir toute la structure : trouver un équilibre entre harmonie familiale et continuité de l’entreprise, modification éventuelle des statuts, réflexion sur la gouvernance, voire mise en place d’un pacte d’actionnaires. Sans préparation, ce sont des décisions lourdes qui doivent être prises dans un moment émotionnellement difficile.

Une transmission efficace repose sur une réflexion globale : juridique, financière, familiale, émotionnelle

Pourquoi est-ce encore plus crucial dans un contexte transfrontalier ?

Parce que les systèmes juridiques, fiscaux et successoraux diffèrent d’un pays à l’autre.

Un cas fréquent : des parents font leur Alya, certains enfants les suivent, d’autres restent en France. Les enfants restés en France sont soumis aux droits de succession français, contrairement à ceux vivant en Israël qui ne devront rien payer. Comment alors répartir les biens équitablement ? Faut-il vendre un bien ? Lequel ? Faut-il envisager une stratégie alternative, comme un investissement au Luxembourg ?

Autre exemple très concret : en Israël, si rien n’est prévu, la loi impose une répartition 50 % pour le conjoint survivant et 50 % pour les enfants lors du décès du conjoint. J’ai accompagné une femme veuve qui souhaitait vendre l’appartement hérité pour subvenir à ses besoins. Elle ne pouvait pas : il fallait l’accord de tous les enfants, qui n’étaient pas unanimes. Une simple anticipation aurait évité ce blocage.

Quels outils existent pour organiser sereinement sa transmission ?

Il existe plusieurs outils juridiques en Israël, au-delà du testament. Le plus connu d’entre eux est le trust. Chacun répond à des objectifs différents.

Le testament permet de formaliser clairement ses volontés. Protection du conjoint, répartition entre les enfants, transmission d’une entreprise ou d’un bien précis. Le trust, outil plus sophistiqué, consiste à nommer un fiduciaire chargé de gérer les biens au bénéfice des héritiers selon un cadre défini à l’avance. Il est particulièrement adapté aux patrimoines complexes, aux entrepreneurs, ou aux transmissions internationales.

Dans tous les cas, il s’agit de solutions personnalisées. Les lois évoluent, les situations familiales aussi. La transmission doit donc être pensée sur mesure, au plus près de la réalité de chaque famille.

Il ne s’agit pas uniquement de transmettre des biens matériels, mais d’organiser l’avenir

Quel serait votre message pour les familles qui hésitent à entamer cette démarche ?

Commencez maintenant, même si vous pensez ne pas être concernés. La transmission ne se résume pas à préparer sa succession. C’est un acte de protection. Pour votre conjoint, pour vos enfants, pour la pérennité de votre entreprise et pour la bonne gestion de vos biens.

Les familles que j’accompagne se sentent soulagées une fois les solutions posées. Elles savent que tout est clair, formalisé et adapté à leur réalité, en Israël comme dans les autres pays où elles ont des intérêts. Faire cette démarche c’est choisir la tranquillité d’esprit et bien souvent un simple premier échange suffit à identifier les solutions adaptées à chaque situation.

Ê T R E - R A P P E L É ?