Marc Touati : La baisse de l’euro est durable face au shekel et au dollar

Quelles conséquences la baisse de l’euro aura-t-elle sur l’économie mondiale et sur une épargne en shekel ? Éclairages avec l’économiste Marc Touati.

Herez Israël. Quelles sont les raisons de la baisse de l’euro ?

Marc TOUATI : La baisse de l’euro notamment face au dollar est due à trois raisons principales. Tout d’abord, la différence de taux d’intérêt monétaire. Les Américains ont très vite réagi en les augmentant contrairement à la Zone Euro. Le taux d’intérêt de base de la Réserve fédérale américaine (FED), qu’on appelle le taux objectif des fonds fédéraux est une sorte de coût de l’argent à court terme. Il est à 2,5 %. En Zone Euro, le taux correspondant de la Banque Centrale Européenne (BCE), le taux refi, est de seulement 0,5%. Cet écart de deux points favorise le dollar par rapport à l’euro ; le dollar est ainsi mieux rémunéré. Le carry trade consiste, pour les investisseurs, à s’endetter en euro à 0,50 % en plaçant instantanément en dollars à 2,50 %, donc deux points de rendement supplémentaires. Ensuite, l’euro baisse face à d’autres devises comme le franc suisse, le shekel ou le rouble. Il y a donc une autre raison conjoncturelle de cette tendance à la baisse : la Zone Euro est en train de tomber en récession, ce qui réduit l’appétence des investisseurs pour sa devise. Enfin, la troisième raison est plus structurelle. Il y a une crise de confiance généralisée à l’égard de la Zone Euro, pas seulement en termes de croissance mais aussi en termes de zone monétaire.

 

En juillet et pour la première fois depuis 2002, 1 euro était égal à 1 dollar. Cette parité est-elle durable ? Quelles conséquences cela aura sur l’économie mondiale ?

La baisse d’une devise peut avoir un avantage sur les exportations, rendues par là même un peu moins chères. Mais dans la Zone Euro, notamment la France, la plupart des exportations se passent à l’intérieur. La baisse de l’euro n’a donc que peu d’effets positifs. À l’inverse, elle revêt un coût conséquent, dans la mesure où elle renchérit le prix des produits importés et notamment des matières premières, qui sont libellées en dollar. Ce qui accroit encore l’inflation, qui est déjà très forte.

La baisse de l’euro est pérenne notamment face au dollar, dans la mesure où les trois raisons de sa baisse évoquées précédemment sont durables. Cela va donc malheureusement encore accroître l’inflation, donc casser le pouvoir d’achat et aggraver la récession, ce qui va encore renforcer la baisse de l’euro…

Au niveau mondial, le danger porte sur une nouvelle crise de la dette publique et une « explosion » de la Zone Euro, une sorte de faillite Lehman Brothers puissance 20… Cela aurait des conséquences dramatiques pour l’économie mondiale, y compris aux États-Unis et en Israël, qui ont des liens économiques et financiers importants avec la Zone Euro.

Peut-on espérer une remontée de l’euro ?BCE

La BCE doit retrouver une certaine crédibilité en arrêtant la planche à billets. Mais aussi en augmentant ses taux d’intérêt, qui sont beaucoup trop bas, afin de stopper cette baisse. Elle le fera à petite dose pour ne pas casser la croissance. Pour espérer une remontée, il faudrait aussi que la guerre en Ukraine s’arrête et que la croissance redémarre… Donc pas avant 2023.

« L’euro subit une double peine : il baisse face au dollar tandis que le shekel s’apprécie face au dollar »

Concernant le shekel, comment expliquer son renforcement structurel par rapport à l’euro ?

Il n’y a pas de marché direct euro-shekel. Il y a un marché intermédiaire notamment via le dollar : le shekel-dollar puis l’euro-dollar. Le shekel continue de se renforcer, notamment avec l’afflux de dollars. En effet, des flux internationaux se dirigent vers les startups israéliennes qui se développent de plus en plus, souvent implantées aux États-Unis voire rachetées par des entreprises américaines. L’euro subit une double peine : il baisse face au dollar tandis que le shekel s’apprécie face au dollar. L’euro baisse donc « deux fois », d’où cette forte baisse ressentie face au shekel. Néanmoins, le dégonflement de la bulle du numérique aujourd’hui devrait entraîner un petit peu moins d’afflux de devises sur le shekel. Il y a cependant beaucoup de particuliers et d’investisseurs de la « diaspora » qui souhaitent s’installer et/ou investir en Israël, ce qui participe à l’appréciation du shekel.

« Le shekel pourrait se stabiliser voire « baisser » (donc s’apprécier) encore vers les 3 »

Existe-t-il un niveau juste d’équilibre pour ces devises ? Quelles sont vos prévisions pour l’année prochaine ?

  • Si l’on observe la parité des pouvoirs d’achat entre les États-Unis et la Zone Euro, le niveau d’équilibre pour l’euro-dollar est de 1,10$ pour 1€. Nous sommes très en deçà.
  • Concernant l’euro/shekel, le niveau d’équilibre serait d’au moins 4,20nis pour 1€, contre 3,25nis actuellement.Il y a une marge de réappréciation de l’euro mais cela va dépendre de la situation sur l’économie de la Zone Euro.
  • Concernant le dollar/shekel, l’équilibre est autour des 4nis pour 1$, contre 3,30nis actuellement. On est un peu moins loin, et on pourrait atteindre 4,50nis car l’économie américaine va bien résister tandis que l’économie israélienne ne peut pas supporter un shekel trop fort trop longtemps.

Le shekel pourrait se stabiliser voire « baisser » (donc s’apprécier) encore vers les 3. C’est assez douloureux surtout pour nos amis retraités français qui vivent en Israël avec leurs revenus en euros. Quant au dollar on peut imaginer une remontée vers les 3,70 voire 4. Les crises sont toujours des phases d’opportunité !

« Le 25 septembre 2022 est une date clé pour la rentrée puisqu’elle sera marquée par les élections législatives italiennes »

Quels sont les rendez-vous de la rentrée à suivre de près ?

Beaucoup de dangers persistent sur cette rentrée à part cette chute de l’euro dangereuse pour la stabilité de la Zone Euro et au niveau mondial. La guerre en Ukraine, l’enlisement à Taiwan, le ralentissement chinois, cette inflation qui n’en finit pas – les indicateurs avancés montrent qu’elle va continuer à augmenter notamment en Europe et en France. Sans oublier une récession des deux côtés de l’Atlantique. Les Etats-Unis devraient certes mieux résister grâce à un taux de chômage de plein-emploi à 3,5 %, contre par exemple 7,4 % en France. Enfin, le 25 septembre 2022 est une date clé pour la rentrée puisqu’elle sera marquée par les élections législatives italiennes. Une « Marine Lepen italienne » qui a le vent en poupe pourrait créer un nouveau gouvernement italien potentiellement europhobe. Cela pourrait entraîner une nouvelle crise existentielle de la Zone Euro, qui sera beaucoup plus difficile à gérer lors de la crise grecque de 2010-2015. Rappelons qu’à l’époque la dette grecque était de 350 milliards d’euros, contre 2 800 milliards d’euros pour la dette publique italienne aujourd’hui… Cela fait tout même froid dans le dos.

 

Effacer les dettes publiques peut être une solution ?

Techniquement, cela n’est pas possible car la plupart des dettes ont été achetées par la BCE ou encore la FED. Elles sont donc au bilan de la banque centrale, ce qui signifie que si on les annule, on doit parallèlement, détruire de la monnaie, ce qui est difficilement envisageable.

Et même si, par miracle, on trouve un subterfuge, cela signerait la fin de la Zone Euro : les Allemands et les Hollandais ne se laisseront pas faire. Les distorsions entre les dettes des différents pays sont importantes : par exemple, en France, la dette publique est à bientôt 120% du PIB, contre 70% en Allemagne. Enfin, difficile de prêter à nouveau lorsque les dettes sont annulées : les taux d’intérêt seront plus élevés, ce qui générera une récession, une hausse des déficits, encore plus de dette et donc nous sortirons tous perdants.

 

Que conseillez-vous aux investisseurs souhaitant protéger leur épargne ?

Le patrimoine d’un investisseur de la Zone Euro fond comme neige au soleil s’il veut acheter à l’international. Il y a quelques années, je conseillais de se diriger vers des valeurs refuges comme le franc suisse qui atteint des valeurs record par rapport à l’euro. Je conseille de diversifier ses investissements avec un horizon de placement le plus long possible. Les États-Unis, Israël, l’immobilier, les actions donnant des dividendes, un peu d’or (ce que j’appelle garder une « poire pour la soif »)…  S’il y a un besoin d’argent à court terme, il faut être extrêmement prudent et rester plus ou moins liquide car cela va secouer.

Interview réalisée le 23 août 2022

Note : le 1er septembre 2022, Marc TOUATI sort son nouveau livre RESET II – bienvenue dans le monde d’après

Ê T R E – R A P P E L É ?

 

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    Hausse du shekel : quelles conséquences pour les Français ?

    Jusqu’où ira le Shekel ? En fin d’année dernière, l’euro tombait autour de 3,60 shekels, son plus bas depuis 25 ans. Un plancher ? Pas vraiment. Il semblerait que cela ne soit que le début.

    Pourquoi le shekel est fort ?

    Depuis le début de lannée 2022, la devise israélienne sest renforcée. Le cours euro shekel a quant a lui encore baissé. Il se situe désormais à 3,55 shekels*. Sur un an, leuro a perdu plus de 8,30%. Et selon de nombreux analystes, la force de la monnaie israélienne ne devrait pas faiblir cette année. La chute de la devise européenne ne manque pas dinquiéter les Français. Quils soient Israéliens, désireux de faire leur Alya, ou voulant simplement investir en Israël, ils sinterrogent. La flambée du shekel, une bonne ou mauvaise nouvelle ?

    La situation est paradoxale. Alors que les économies mondiales sortent difficilement dune crise sanitaire qui nen finit pas, l’économie israélienne fait preuve dune incroyable résilience. En 2021, selon une étude publiée par Dunn and Bradstreet, l’économie israélienne aurait enregistré une croissance de 7%. Cest bien plus que la moyenne mondiale qui s’élève à 5,9%.

    L’économie dIsraël est tirée depuis plusieurs années par son secteur technologique. Il continue d’être son principal moteur de croissance. Bien que le pays nait pas été épargné par les conséquences de la crise sanitaire, ses fondamentaux restent bons. Ce qui explique la bonne santé de sa devise, face à leuro mais aussi face au dollar américain. Cette situation nest, en réalité, pas nouvelle. Depuis plusieurs années, le cours du NIS na fait que se renforcer.

    Pour de nombreux analystes, tout concourt pour que le shekel continue sur sa lancée et reste à de hauts niveaux en 2022. Il y a même de fortes chances quil continue de progresser notamment face à leuro.

    Quel impact pour les Français ?

    Pour les résidents israéliens qui perçoivent des revenus en France, le change leur est désormais fortement défavorable. Doivent-ils garder leurs euros en espérant une remontée ou au contraire investir dans des projets en shekels qui leur assureraient un certain rendement ?

    Pour le moment, les analystes nenvisagent pas une hausse du cours de leuro face au NIS en 2022. Par conséquent, détenir des shekels semble être une option raisonnable. Dautant quil faut aussi vivre au quotidien. Pour les Israéliens dorigine française, il devient aujourdhui essentiel de créer et disposer dune source de revenu en Israël. Investir dans une entreprise ou dans un projet immobilier peut, en ce sens, constituer la solution idéale. Il est clair quil est désormais plus intéressant de disposer dune activité en Israël, où ils vivent et consomment.

    Pour les Français souhaitant investir en Israël, notamment dans limmobilier, la hausse du shekel est un facteur dinquiétude. À tort. Il ne faut pas faire de raccourcis et bien analyser la situation en l’évaluant dans son ensemble. Acheter un appartement, créer ou prendre des parts dans une entreprise de valeur reste une option intéressante, notamment en situation de hausse du shekel.

    Faut-il investir en Israël ?

    Pour une grande majorité danalystes économiques, le shekel va rester ferme face à leuro et au dollar en 2022. L’économie israélienne est en bonne santé. Les prix immobiliers nont jamais été aussi élevés. En dix ans, ils ont presque doublé et tout porte à croire que cela va continuer.

    Rien que pour lannée 2021, les prix ont augmenté de 10,3 % d’après les chiffres publiés par le Bureau Central des Statistiques le 15 décembre dernier. Sommes-nous en train de vivre une bulle de limmobilier ? Non, selon la banque dIsraël. Cette hausse est le résultat, entre autres, dun déficit de logements. Les prix augmentent dans tout Israël. À Tel Aviv bien sûr, mais tout le pays est concerné, y compris le nord.

    Le marché du logement est florissant. Investir dans limmobilier en Israël pourrait donc être une solution viable pour se protéger de la baisse de leuro. Linvestissement locatif permet aux français de se protéger contre l’érosion monétaire. Dautant que, contrairement à la France, la législation concernant la fixation des loyers est beaucoup moins contraignante.

    En octobre, le ministre des Finances Avigdor Liberman a annoncé un ambitieux plan logement pour 2022-2025 visant à augmenter loffre et freiner la hausse des prix. Sur ce dernier point, certains demeurent sceptiques. Quoi quil en soit, cela ne pourra que créer de nouvelles opportunités dans un marché très tendu.

    Aujourdhui, il existe de nombreuses possibilités dinvestissement immobilier en Israël. Elles permettent dassurer des rendements intéressants. Cela représente autant dopportunités tant pour les investisseurs résidant en France, que ceux ayant fait leur Alya.

     

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    *Article achevé de rédiger le 16 janvier 2022.

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