L’économie israélienne à l’épreuve de 2022
Deux années après le début de la crise sanitaire, alors que nous pensions tout juste retrouver le chemin de la croissance et de la stabilité, l’invasion russe en Ukraine a une fois de plus déstabilisé les marchés et semé le doute parmi les investisseurs. Point sur l’économie israélienne.
Décryptage de l’actualité économique en Israël
C’est à la fin des années 80 que naît l’acronyme « VUCA » (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity). Basé sur les théories des universitaires américains Warren Bennis et Burt Nanus, VUCA décrit alors un monde métamorphosé par la dissolution de l’URSS. Un monde de plus en plus volatil, incertain, complexe et ambigu. Une chose est certaine, ce terme est toujours d’actualité. Il décrit parfaitement la réalité à laquelle nous avons été confrontés depuis ces deux dernières années.
La situation macroéconomique depuis le début de l’année est de ce fait anxiogène. Sortis à peine du Covid, nous avons été assaillis par la hausse des prix et les pénuries. Les circuits économiques se sont trouvés saturés. La guerre en Ukraine n’a rien amélioré avec l’accélération de la hausse des prix. La flambée de l’énergie et des matières premières alimentent la hausse des taux et une inflation quasi-généralisée. Enfin, les marchés mondiaux peinent à se redresser.
Dans un tel contexte, nous allons chercher à comprendre comment Israël fait face à tant de défis. Le pays est-il toujours résilient face à l’instabilité des marchés ?
Une bonne résistance
Tout d’abord, il est bon de rappeler que l’agence de notation Moody’s a, en avril dernier, augmenté les perspectives de notation d’Israël à « Positive ». Sa notation souveraine, A1, a quant à elle été confirmée. L’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) a quant à elle maintenu en mai dernier la note favorable d’Israël à AA avec une perspective stable. Les raisons : la performance budgétaire et la robustesse de son économie.
En effet, l’économie israélienne a bien résisté en 2020 durant la première année de pandémie, avec une croissance négative de 2,2%, l’un des meilleurs taux des pays de l’OCDE. En 2021, sa croissance de 8,1% a dépassé les prévisions, révélée la plus élevée depuis 2000, d’après le Bureau central des statistiques.
L’efficacité et la vitesse des campagnes de vaccination ont permis un retour à la normale plus tôt que prévu par rapport à beaucoup d’autres pays.
La forte reprise de l’économie israélienne
Cette reprise a d’une part poussé la consommation privée, qui a représenté 50% du PIB. D’autre part, les investissements étrangers en Israël ont quant à eux constitué 20% du PIB (Source : Israël/Études Économiques – Coface, n.d.).
Les accords d’Abraham vont en ce sens permettre d’accélérer les investissements étrangers. Notamment grâce à la création d’un fonds d’investissement de 10 milliards de dollars par les Emirats Arabes Unis. De cette nouvelle alliance ont également découlé des accords de libre-échange qui devraient s’appliquer sur 95% des produits échangés.
De plus, le marché du travail se porte bien. Le taux de chômage a en effet presque retrouvé son niveau pré-pandémie. Il s’élève à 3,5% en Juin 2022, contre 3,4% en mars 2020, autrement dit période de plein emploi. Ce taux a même atteint son plus bas niveau en 50 ans, d’après le Bureau central des statistiques.
Le déficit budgétaire
Concernant le déficit budgétaire, les chiffres sont également positifs. Le nouveau gouvernement a réussi à réduire considérablement le déficit budgétaire en 2021, le ramenant à 4,5% du PIB contre 11,4% en 2020. Cela s’explique principalement par la baisse des dépenses liées au Covid-19 et à la santé (réduction de plus de 68 milliards de shekels). Mais aussi par la hausse des recettes fiscales (plus de 30%) et à la croissance.
Bien que selon les prévisions le déficit budgétaire devrait continuer de rétrécir (3,6% du PIB en 2022 et 3,4% en 2023), il reste cependant plus élevé que sa moyenne entre 2015 et 2019 (2,3%). (Devaux, Eco Emerging // 1st quarter 2022).
Israël a su faire preuve de résilience face aux nombreuses crises mondiales. Néanmoins, certains effets néfastes de ces crises influent sur l’économie du pays.
Quid de l’inflation et du taux de change
Qu’est ce que l’inflation ?
- une augmentation générale et durable des prix
- une perte du pouvoir d’achat/de valeur de la monnaie
- une économie nationale touchée dans son ensemble, pas seulement le coût de la vie
L’inflation que nombreux experts pensaient ne plus voir revenir est réapparue dans la grande majorité des pays occidentaux. Si le taux d’inflation en Israël a dépassé 3,5%, il reste tout de même relativement faible face à celui des pays de l’OCDE (5,8%) et face à l’Union Européenne (6,8%).
La hausse de l’indice des prix à la consommation était légèrement inférieure au mois de mars par rapport aux prévisions des experts. La Banque d’Israël avait donc fixé les taux d’intérêt plus haut que nécessaire (0,35% au lieu de 0,15%). L’inflation sur les douze derniers mois reste cependant plus élevée que la fourchette cible de la Banque d’Israël (1-3%) et ce, pour le troisième mois consécutif.
La valeur du shekel face au dollar et à l’euro suscite également beaucoup d’intérêt depuis plusieurs mois. En effet, la volatilité du cours du shekel est très forte et après avoir atteint son niveau le plus bas en janvier 2022 (3,10ILS/$ et 3,50ILS/€), il est remonté en l’espace de quelques mois, jusqu’à atteindre un niveau de 3,46ILS/$ et de 3,65ILS/€ au 22 Mai 2022.
Le graphique représente le cours du Shekel face à l’Euro et au Dollar sur les cinq dernières années. On remarque une nette corrélation entre ces deux monnaies, bien que le Dollar se montre bien plus fort que l’Euro depuis le début de la guerre en Ukraine.
Comment expliquer la récente baisse du shekel ?
Tout d’abord, la guerre en Ukraine continue de s’enliser dans un conflit de plus longue durée. De nombreux pays ont pris parti face à la Russie qui elle, ne semble pas revenir sur ses positions. Cependant, les pays de l’Union Européenne se retrouvent dans une situation délicate concernant le gaz et pétrole russe. Pour certains pays comme la Finlande et l’Autriche, le gaz russe représente 75% de leurs importations extra-européenne de gaz, contre 25 à 50% pour la France ou l’Italie. Bruxelles a donc dévoilé un plan énergétique « Repower EU » qui a pour stratégie de se tourner davantage vers d’autres fournisseurs comme les Etats-Unis ou le Moyen-Orient. Cela a pour effet de renforcer les Etats-Unis et le dollar qui, dans ce conflit, jouent le rôle de principal soutien à l’Ukraine. Israël fait quant à elle preuve d’indépendance énergétique face à la Russie, et cherche même à devenir un futur pays exportateur de gaz depuis la découverte et l’exploitation de gisement dans ses territoires maritimes.
Tensions sécuritaires et instabilité politique
De plus, les tensions sécuritaires autour de Jérusalem et la dernière vague d’attentats qui a traversé le pays, causant la mort de 19 israéliens, a également joué défavorablement pour le Shekel. Ces périodes de tensions ont pour habitude d’affaiblir la monnaie israélienne. Cependant, cette baisse reste momentanée et le Shekel revient très rapidement à son niveau originel.
Enfin, la coalition gouvernementale, qui avait jusqu’à présent réussi à rester unie, risque désormais de se dissoudre à la suite de la résurgence du conflit. Cela pourrait engendrer de nouvelles élections et replonger le pays dans une période d’instabilité politique. Économiquement parlant, cela signifierait donc l’incapacité du gouvernement provisoire à voter les futurs budgets et les mesures nécessaires au bon développement du pays.
Ci-dessous un graphique représentant le cours du Shekel face à l’Euro et au Dollar sur les cinq dernières années. On remarque une nette corrélation entre ces deux monnaies, bien que le Dollar se montre bien plus fort que l’Euro depuis le début de la guerre en Ukraine.
Économie israélienne : quels principaux défis ?
Nous comprenons donc que malgré un contexte difficile, Israël continue de faire preuve de résilience. Elle le doit à une économie diversifiée et fortement intégrée dans le commerce mondial, notamment par son secteur des technologies de pointe. Malgré tout, des menaces pèsent sur ce petit État. Le conflit israélo-palestinien, la guerre en Ukraine, l’inflation et l’instabilité politique sont les principaux défis que le pays devra relever.
L'avis de Herez Israël
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